Le pouvoir du silence | Faire un bon personnage muet dans un roman ou une bd

Comment faire un bon personnage muet et le rendre le plus consistant possible.

11/21/20245 min read

I. Raison au mutisme des personnages

Si dans le prochain jeu Zelda, Link se mettait à prononcer des phrases d’une voix distincte, comment vous, joueur et joueuse, vous le vivrez ? Seriez-vous mal à l’aise d’entendre ce personnage culte s’éloigner de ses onomatopées ? Est-ce que vous vous inquiéterez du choix du doubleur qui pourrait potentiellement massacrer votre personnage préféré ?

On s’y est habitué au fait que Link soit muet, lui donner la parole serait un choix marketing insensé… mais est-il vraiment muet ?

Quel est l’intérêt d’avoir un personnage sans voix dans des œuvres artistiques ?

Principalement utilisé dans le jeu vidéo, c’est un choix autant audacieux que nécessaire pour certaines boites. Choisir de rendre le personnage principal muet est souvent justifier par une meilleure immersion ou un besoin de fait des coupes dans le budget. Surtout lorsqu’il est question du personnage principal, le prix demandé par un doubleur peut vite être un frein pour certaines boites indés.

Ce choix technique s’est vu dans l’éra des films muets, qui se terminera en 1936 avec les temps modernes où Charlie Chaplin fera entendre pour la première fois sa voix.

Il peut être aussi utilisé pour donner un ton plus poétique à certains œuvres artistiques. Dans le jeu vidéo Portail, Chell ne parle pas pour que nous puissions partager avec elle l’ambiance sonore et la réflexion du chemin à emprunter. Nous pouvons aussi parler de Wall-E, où les deux personnages principaux ne sont pas doués de parole, si ce n’est là une sorte d’auto répétition linguistique. Nous nous intéressons plus à la gestuelle du personnage et au message qu’ils portent.


Par contre, n’allez pas penser qu’un personnage doit être muet pour exister ou non. C’est une particularité comme une autre, un handicap qui peut, ne pas être la thématique principale de votre œuvre. Et je vous le conseille.

Personnellement, je trouve que cela rend plus justice à une cause et à une intention d’évolution positive lorsque la communication autour d’un personnage ne réside pas dans un trait, mais dans un ensemble d’idéaux et une histoire

B) Motif lié au développement du personnage

L’âge du personnage peut influencer sur son mutisme naturel. Par exemple Simplet ou Dumbo ne s’expriment pas avec des mots pour illustrer leur jeunesse et candeur. Et est lié à tort à une quelconque maladie ou retard mental. C’est une décision artistique pour permettre une lisibilité et une affirmation d’un trait du personnage.

Le personnage peut aussi décider de ne pas parler, sans pour autant l’avoir eu de naissance. Ariel représente parfaitement cette partie. Elle échangera sa voix contre des jambes, entrainant un développement intéressant, mais aussi les problèmes liés à une soudaine perte de parole.
Un autre exemple plus récent peut-être exposé en la personne de Black Bolt, chef des Inhumains qui reste silencieux, car sa voix peut tuer.

II. Expression corporelle comme moyen de communication

B) Motif de production

Avoir un personnage muet, c’est un choix parfois difficile à porter, surtout en bd où la parole à son importance. L’adage dit « montre, ne dit pas » donc c’est le moment de jouer avec le langage corporel du personnage. A commencer par le visage, qui a lui seul peut délivrer nombreuses informations. Les yeux, la bouche, les sourcils sont des indicateurs à eux seuls très précieux.


Mais il y a aussi le corps comme moyen d’expression. La main, dans mercredi, est un très bon exemple. Elle ne dispose pas de visage, mais est pourtant très expressive. C’est possible grâce à l’utilisation des cinq doigts et de la position de l’ensemble de l’organe.

Nous pouvons par ailleurs utiliser les onomatopées pour faire « parler » un personnage. Clochette utilise un tintement pour appuyer certaines de ses expressions et si nous reprenons l’exemple de Link, il pousse quelques bruits, mais à montrer qu’il répondait à certains PNJ. La théorie voudrait qu’il ne soit pas véritablement muet, mais un muet réactif. Il n’a pas de ligne de dialogue, mais sa parole est implicite.

Bien entendu, un personnage muet peut ajouter un caractère plus comique ou enfantin, il peut aussi amener un sérieux voir un côté malaisant à ce qu’il dégage. Comme Michael Myers d’Halloween qui ne s’exprime pas et qui pourtant fait frissonner beaucoup de monde.

III. Le rôle de l'entourage dans sa compréhension

Après tout, les interactions sont importantes en général pour pouvoir développer les personnages. Ils peuvent donc pallier le mutisme du personnage et même apporter un dynamisme certain dans le récit. Les interactions entre Groot et Rocket des Gardiens de la galaxie permettent de mieux comprendre les émotions de Groot, mais aussi ont permis dans leur développement de devenir très proche.

En général, ce genre d’amitié forte (ou naissante) permet d’ouvrir le monde des deux personnages, car celui muet est souvent plus sensible à son environnement et peut apporter cette sensibilité à son interlocuteur. Et inversement pour celui doué de parole !

Les deux personnages doivent s’apporter des choses pour évoluer. Une autre scène intéressante pourrait être de laisser le personnage se lancer dans un monologue pour combler le silence que le personnage muet offre et pourrait finir par se livrer sur certains éléments à forcer de déblatérer.

Bien entendu, pas besoin absolument que votre personnage ait des amis ou se lie d’amitié pour se faire comprendre du plus grand nombre ! Il peut y avoir des personnages mystérieux, inconnus, qui existeraient en tant que meneur de destins, comme un PNJ dans un jeu vidéo qui délivre des quêtes ou Méléagant de Kaamelott.

Bien entendu, la langue des signes peut aussi être un élément décisif quant à la compréhension du personnage avec son entourage. Il y a plusieurs façons d’interpréter cette langue et même plusieurs langues ! Un exemple à creuser que je trouve véritablement intéressant est l’alphabet de Lorn, qui grâce à des points de pressions ou des gestes réalisés sur une main qui exprime chacun une lettre et permet de réaliser des phrases.

Par ailleurs, dans les interprétations, du personnage muet ou de celui pouvant parler, il y a plusieurs éléments sur lesquels vous pouvez jouer. Le regard est important pour que le personnage muet comprenne mieux les intentions de l’autre.

Par ailleurs, notez que les cris déforment les mots, donc la compréhension d’un personnage muet lisant sur les lèvres peut être altérée.

IV. Forme alternative de la parole

Les personnages bien qu’ils ne puissent pas s’exprimer peuvent parfaitement s’exprimer dans un monologue intérieur. Bien plus intimiste où le personnage pourra s’arrêter sur des incompréhensions du monde, ses réussites, ses échecs, etc. Veuillez tout de même éviter d’utiliser cela trop souvent, car ça finirait par être contreproductif avec l’idée de base du mutisme, qui permettait de développer d’autre moyen de communication.

Si les mains ne sont pas utilisées pour se faire comprendre, le bon vieux carnet peut servir à cet effet. Un merveilleux exemple de cela serait Nick Andrea, du Fléau de Stéphan King.

Par ailleurs, nous avons parlé des pouvoirs qui forcent à ce que le personnage ne parle pas. Mais il y a aussi leur inverse avec la télépathie. Dans Baccano, Chane Laforet utilise ce moyen pour communiquer avec ses interlocuteurs.

Avant de nous quitter, j’aimerais vous donner quelques pistes pédagogiques. Sans entrer dans les détails, pour titiller votre curiosité et vous pousser à aller faire d’autre recherche. Celle-ci sera peut-être les débuts de nouvelles réflexions.

Pistes pédagogiques

Comme raison au mutisme, mutisme sélectif ou de l’aphasie.

Comme moyen d’expression corporel, le mime ou le Théâtre Nô.

Des œuvres traitant du sujet :

Le cri de la mouette de Emmanuelle Laborit

- Le Chat du Rabbin de Joann Sfar

Le film "The Artist" ou "A Quiet Place" pour les amateurs d’horreur